L’AJIQ braque les projecteurs sur ses membres. Quatrième portrait de cette série : Eugénie Émond, une journaliste indépendante qui lutte contre l’âgisme systémique, un mot à la fois.
Le vieillissement, un secteur de couverture à part entière? Oui, affirme la journaliste indépendante, animatrice et recherchiste Eugénie Émond, qui fait paraître ces jours-ci Savoir-faire : Histoires, outils et sagesse de nos grands-parents, un hommage bien senti à nos aînés. « On ne les met certainement pas assez en valeur. Lorsqu’on parle d’eux, c’est toujours pour des raisons plates », constate-t-elle avec regret en faisant une référence à peine voilée à l’hécatombe dans les CHSLD, lors de la première vague de la pandémie de COVID-19.
L’ouvrage, richement illustré par les photographes Catherine Bernier et Alma Kismic, consiste en vingt portraits de sages « ordinaires » qui ont accepté de partager une partie de leur bagage de vie, le temps d’une rencontre. Fait intéressant : ce projet a vu le jour à la faveur d’une commande du magazine québécois Beside, auquel Eugénie Émond collabore sur une base régulière. « À la base, il s’agissait de quatre courts portraits, précise la membre régulière de l’AJIQ. Comme la réception a été plutôt bonne, j’ai proposé que le concept fasse l’objet d’un livre et cela a été accepté. »
Eugénie Émond | Courtoisie
UN ATTRAIT POUR LE LONG
Avant d’embrasser une carrière de pigiste, Eugénie Émond a longtemps travaillé comme journaliste télé. Coiffée de ce chapeau, elle séjourne dans une résidence pour aînés en 2008 pour y réaliser la série documentaire Eugénie en résidence, expérience qu’elle répétera une décennie plus tard à Lévis dans le cadre du docuréalité En Résidence. Plus tôt en 2022, elle complète une maîtrise en gérontologie à l’Université de Sherbrooke sur la création de liens intergénérationnels, ce qui achève de convaincre sur son intérêt profond envers le grand âge.
« Cette spécialisation me permet de tirer mon épingle du jeu. Dès que je me suis mise à proposer des sujets à ce propos, ils ont été assez vite acceptés », indique-t-elle. Cette « facilité à vendre ma salade » lui permet de multiplier les collaborations, notamment à l’émission Moteur de recherche sur les ondes d’ICI Radio-Canada Première. Toujours pour le diffuseur public, elle signe des récits numériques qui lui valent des reconnaissances aux Prix d’excellence en publication numérique et aux Grands prix du journalisme indépendant.
Cette inclination pour de longs contenus confronte cependant Eugénie Émond à la petitesse du marché québécois de la presse écrite. Comment gagner sa vie décemment lorsque ses reportages, des œuvres d’envergure qui flirtent avec la littérature, façon Gabrielle Roy, s’adressent au final à, quoi, tout au plus 8,5 millions de lecteurs potentiels? « Je n’ai pas nécessairement de réponse à cette question, avoue humblement la jeune mère de famille. Ce que je sais par contre, c’est qu’il est hors de question que je fasse du volume au détriment de la qualité. Mon métier perdrait tout son sens. »
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