L’AJIQ braque les projecteurs sur ses membres. Troisième portrait de cette série : Rémy Bourdillon, un journaliste indépendant écartelé entre le Québec et Taïwan.
Rémy Bourdillon se spécialise dans l’art subtil de ne pas faire comme les autres. Tenez : dans les derniers mois, le journaliste indépendant de 39 ans a tour à tour écrit sur le congé menstruel à la sauce taïwanaise, sur la gestion de la COVID-19 sur l’île asiatique ainsi que sur l’escalade des tensions entre Taipei et Pékin. « Ma blonde, une enseignante, a accepté un contrat de trois ans à Taïwan, précise-t-il d’emblée en entrevue pour expliquer sa présence de l’autre côté du globe. Nous y sommes installés depuis novembre dernier »,
Le membre de l’AJIQ était auparavant basé à Rimouski, d’où il multipliait les piges sur une foule d’enjeux régionaux, comme l’adaptation aux sécheresses dans le Bas-Saint-Laurent. Avec le recul, cela l’a bien préparé à proposer des histoires à saveur exotique. « L’international est le parent pauvre des médias, surtout au Québec. L’angle de couverture est parfois difficile à trouver ; sans un Québécois sur place pour t’expliquer la situation de son point de vue, c’est comme si le sujet n’avait aucune résonance », déplore celui qui a récemment été récompensé aux Prix du magazine canadien ainsi que lors des Grands prix du journalisme indépendant.
Face à ce constat, Rémy Bourdillon a depuis longtemps décidé de diversifier ses collaborations, notamment en cognant à la porte de publications en dehors du Québec. Pour Slate.fr, le pendant français du webzine étasunien, il couvre ainsi des récits qui « sortent de l’ordinaire » et suscitent l’étonnement de l’autre côté de l’Atlantique. « Je me suis par exemple intéressé à la culture de la dénonciation à Taïwan, où de simples citoyens dénoncent les accrocs de leur prochain. Par le passé, j’ai aussi travaillé sur les déboires de Justin Trudeau et la légalisation du cannabis », raconte-t-il.
Rémy Bourdillon | Courtoisie
RENCONTRER L’AUTRE
Comme bien d’autres, Rémy Bourdillon est arrivé au journalisme indépendant par accident, lui qui était jadis ingénieur dans une autre vie. « Je ne détestais pas ce métier, loin de là. Mais, l’absence de réflexion critique sur la portée de mes gestes a fini par me peser », résume celui qui habitait alors à Montréal. Ça tombe bien : il s’initie à peu près au même moment aux rudiments des « collaborations spéciales » qui, découvre-t-il, lui permettent d’aller à la rencontre de l’autre. « Ç’a été une révélation. » Nous sommes en 2014.
Trois ans plus tard, il se rend compte que rien ne le retient dans la Métropole et bouge ses pénates dans le Bas-du-Fleuve. Il ne le regrette pas et tisse rapidement des liens forts avec sa communauté d’adoption. « Il y a une réelle continuité dans les relations, qui vont au-delà du strict contexte professionnel. C’est ce contact humain, synonyme d’histoires inédites, qui me fait triper », indique Rémy Bourdillon. « Le journalisme indépendant est un prétexte pour s’ouvrir au monde. Jamais je n’aurais autant lu sur la politique taïwanaise sans ça. »
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