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Enjeux et besoins de représentation collective chez les journalistes pigistes

By 2 mars 2015mars 11th, 2016Actualités

Ce texte reprend les principaux éléments de la présentation de l’AJIQ à Table ronde Nouvelles formes d’emploi, représentation collective et régimes alternatifs de rapports collectifs du travail, tenue le 26 novembre 2014 dans le cadre du congrès des relations industrielles de l’Université Laval sous le thème : « 50 ans du Code du travail : Raviver le droit à la représentation collective ».

 

Rappelons que l’AJIQ, fondée à Montréal en 1988, est la seule organisation au Québec qui s’intéresse aux problèmes et à l’avenir des journalistes à statut précaire:les pigistes, les contractuels et les surnuméraires. Néé d’une scission avec la FPJQ, où les patrons de presse sont également représentés, par le biais des cadres et qui refusait que la question des relations de travail y soit abordée, l’AJIQ a pour double mission d’obtenir un statut juridique pour les journalistes indépendants et d’améliorer le statut socio-économiques et les conditions de travail des pigistes.

 

De par leur statut, les journalistes pigistes ont été essentiellement exclus du mouvement de syndicalisation des journalistes qui a suivi l’entrée en vigueur du Code du travail, ce se traduit par une situation nettement moins avantageuse sur le plan de la rémunération, des droits et de la protection syndicale.

 

En conséquence, la situation des pigistes ne s’est pas améliorée (on peut même dire qu’elle s’est largement détériorée depuis 30 ans) : absence de sécurité d’emploi, faibles tarifs, conditions de travail précaires, absence de protection juridique en cas de poursuites, gestion des droits d’auteur, contrats abusifs, difficultés d’accès à des assurances collectives, etc.

 

L’état actuel d’un marché déréglementé et oligopolistique, accentue un déséquilibre de longue date dans les relations industrielles du secteur de médias, où le rapport de force est complètement disproportionné, particulièrement pour les pigistes qui ne jouissent d’aucune forme de représentation effective.

 

Il y a par ailleurs de plus en plus de journalistes précaires au sein même des entreprises de presse qui subissent de plein fouet les impacts de la « crise », dont par exemple les surnuméraires de Radio-Canada ou du Devoir. La valse des transactions, fusions et restructurations affecte directement les pigistes. Le Soleil a mis fin l’an dernier à ses collaboration avec tous les pigistes dans l’Est du Québec et maintenant cessera même de faire affaire avec des collaborateurs à Québec, privant une vingtaine de pigistes environ d’un de leurs clients. La récente transaction qui ferait passer les magazines de TC Média à Québécor risque de réduire encore plus le rapport de force, TVA Publications étant reconnue pour proposer un des pires contrats du milieu.

 

Même si les profits sont au rendez-vous (on parle chez Québecor de 62,5 millions $ au quatrième trimestre 2013 et chez TC de 498,2 millions $ au deuxième trimestre 2014), à l’heure actuelle, les pigistes sont les premiers touchés par la soit-disant « crise » des médias. La principale raison est qu’ils ne disposent d’aucune protection sociale.

 

Dans ce contexte, il faut mener une réflexion sur les régimes existants et notamment sur la possibilité d’intégrer les pigistes aux unités de négociation syndicale existantes et d’éliminer les clauses d’exclusion prioritaire des pigistes, surnuméraires et collaborateurs en cas de mise à pied, inscrite dans certaines conventions collectives, notamment celle du Soleil.

 

Afin de créer un cadre général permettant de ré-équilibrer les relations industrielles dans le secteur, il est par ailleurs impératif d’établir un régime particulier de négociation collective permettant à l’AJIQ de représenter effectivement les pigistes face aux donneurs d’ouvrage. C’est là la première revendication de l’AJIQ, et ce depuis plus de 25 ans.

 

Le modèle sur lequel s’appuie l’AJIQ est celui de la loi sur le statut de l’artiste, mais pourquoi ne pas s’inspirer d’exemples internationaux?

 

En France, une loi accorde aux journalistes pigistes le même statut que les salariés depuis 1974 : la reconnaissance comme journalistes professionnels et l’accès (théorique) aux mêmes avantages sociaux que les salariés. (Évidemment, l’application de cette loi est loin d’être parfaite et elle est de plus en plus contournée par les entreprises de presse.) Récemment, une convention collective nationale couvrant l’ensemble des journalistes (incluant les pigistes) et professionnels des métiers de l’information a été négociée au Cameroun sous l’égide d’une commission tripartite (syndicats-entreprises-État). Dans ce cas également, l’application de la loi est déficiente, mais si une telle réalisation a été possible dans un pays sous la dictature depuis 1982 et qui figure au 131 rang du classement mondial de la liberté de presse de Reporters sans frontières (RSF), ce doit être possible de faire pareil ou même mieux au Canada, qui figure en 18 position du classement RSF et qui était encore, jusqu’aux dernières nouvelles, une démocratie!

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